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Mobilisations autour des Mutilations génitales féminines en Belgique


Leïla Scheurette

© Une analyse de l’IRFAM, Liège, 2020 – 2

Pour citer cette analyse
Leïla Scheurette, « Mobilisations autour des Mutilations génitales féminines en Belgique », Diversités et citoyennetés, n°55, juillet 2020, p. 19-25.

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L’auteure voudrait remercier Stéphanie Florquin, directrice adjointe du GAMS Belgique, pour sa contribution à l’article et pour sa relecture.

À l’époque Post « Me too », les violences basées sur le genre commencent à occuper l’espace public qui leur est dû, toutefois la lutte pour les droits des femmes peine parfois à se concentrer sur l’intersection des inégalités entre sexisme et racisme subie par les femmes et les filles issues de minorités. Les mutilations génitales féminines restent par exemple un sujet peu abordé et souvent empreint de préjugés. L’objectif de la présente analyse est de sensibiliser les acteurs1 de terrains et les citoyens sur la réalité des mutilations génitales féminines en Belgique qui, de par son caractère sensible, reste un enjeu souterrain, souvent mal connu voire méconnu. Il est pourtant nécessaire pour chacun, d’autant plus pour les acteurs de terrain, d’avoir conscience de l’existence de cette pratique et de l’impact qu’elle peut avoir sur les femmes et jeunes filles qui l’ont subie ou à risque. Pour comprendre un peu mieux les enjeux liés aux MGF, l’IRFAM s’est penché sur la situation actuelle en Belgique et les mobilisations, qu’elles soient associatives, solidaires, politiques ou professionnelles autour de la lutte contre les mutilations féminines.

Introduction

On les appelle communément « excision », elles sont entourées d’un grand tabou voire d’une certaine omerta en raison des conséquences parfois négatives qu’elles peuvent avoir sur le corps et les droits de millions de petites filles et de femmes dans le monde, les mutilations génitales féminines (MGF) se définissent comme « toutes les interventions incluant l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme ou toute autre lésion des organes génitaux féminins qui sont pratiquées pour des raisons non médicales » (OMS, 2020). On en dénombre quatre catégories : la clitoridectomie qui consiste en l’ablation partielle ou totale du clitoris (type I), l’excision qui consiste en l’ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres, avec ou sans excision des grandes lèvres (type II), l’infibulation qui consiste en le rétrécissement de l’orifice vaginal avec recouvrement par l’ablation et l’accolement des petites lèvres et/ou des grandes. La Belgique n’est pas épargnée par cette pratique ; bien qu’elles soient interdites pénalement depuis 2011 les MGF risquent encore d’être pratiquées sur les jeunes filles et femmes.


Constats sur les MGF dans le monde


Les mutilations génitales féminines touchent les femmes, généralement des mineures ; ce qui, nous le verrons par la suite, a une incidence sur le point juridique et légal. Les mutilations se pratiquent souvent sans le consentement de l’enfant et sont parfois effectuées sans anesthésie, avec du matériel parfois très primaire comme des couteaux non désinfectés (FPS, s.d.). Pour diminuer le nombre d’infections ou même de décès, la pratique tend à se médicaliser dans certains pays. Mais la médicalisation ne signifie pas que la pratique en devient thérapeutique et qu’elle soit bénéfique
pour la fille ou la femme qui la subit. Au contraire, cela concourt à légitimer une pratique qui enfreint les droits des femmes par le biais de l’autorité médicale. D’autant plus que médicalisées ou non, les MGF peuvent avoir des conséquences graves sur le corps et l’esprit des victimes qui sont nombreuses et peuvent varier — du moins pour les blessures physiques — en fonction du type de mutilation pratiqué ; les femmes peuvent, par exemple, être sujettes à des douleurs chroniques, des souffrances pendant
l’acte sexuel, des infections ou encore de kystes. Du point de vue psychique, elles peuvent, sur le long terme, développer des syndromes sévères comme le stress post-traumatique (Amnesty, 2013).

Mais pourquoi se perpétuent-elles ? Si les MGF sont culturellement et socialement ancrées, elles n’en restent pas moins une violence de genre, perpétrée sur les femmes parce qu’elles sont femmes. Parmi les raisons invoquées pour continuer la pratique, on retrouve la pureté de la femme, le respect de la coutume, l’esthétique, la cohésion sociale, la « mariabilité » ou encore la religion (bien que les mutilations ne soient inscrites dans aucun livre saint) (AMNESTY, 2013). Elle est donc en quelque sorte perçue comme une « obligation sociale » qui en cas de non-respect pourrait provoquer de graves conséquences comme l’exclusion des cercles familial et social (CODE, 3).

La Belgique est-elle concernée par les mutilations génitales féminines ?

D’aucuns pensent que les mutilations ne touchent pas les pays occidentaux, pourtant au travers des processus migratoires, des personnes originaires de pays où se pratiquent les MGF se sont installées en Europe, notamment en Belgique. Et il se peut que certaines familles, pour diverses raisons parmi celles que nous avons citées plus haut, continuent à pratiquer les mutilations.

Toutefois, les analyses montrent que migrer participerait à modifier la perception voire la pratique des MGF ; plus le séjour dans les pays d’accueil est long, moins les personnes seraient favorables à perpétuer les MGF (Dubourg, Richard, 2018, 15). Parmi les raisons qui expliquent l’abandon de la tradition, on retrouve, entre autres, la prise de conscience du caractère non universel et non religieux de la pratique, mais encore son caractère non obligatoire dans le pays d’accueil. Sont également évoqués l’interdiction de la pratique et la prise de conscience des impacts potentiels des mutilations sur le corps et le mental des femmes (Dubourg, Richard, 2018, 14).

Néanmoins, malgré cette tendance, au cours de ces dix dernières années, on observe une augmentation des victimes de MGF et des filles à risque d’en subir. Chiffres qui traduisent non pas une augmentation des mutilations per se, mais bien une augmentation de l’immigration de femmes en provenance de pays où se pratiquent les mutilations. En 2007, une première étude consacrée à ce sujet montrait que 8235 personnes étaient concernées directement par les MGF. Selon une nouvelle estimation réalisée en 2018 (sur base des données recensées en 2016), il ressort qu’en Belgique 17 575 femmes et filles sont probablement excisées et que 8 342 filles sont à risque de l’être (Dubourg, Richard, 2018, 31). D’après l’analyse, trois villes sont principalement touchées par les MGF : Bruxelles avec 8240 femmes et filles concernées (excisées ou à risque), Anvers avec 4925 cas et Liège avec 3261 cas (Dubourg, Richard, 2018, 33).

Pour quelle raison ces estimations ont elles potentiellement plus que doublé entre 2007 et 2016 ? Une des explications réside dans les flux migratoires récents en provenance de pays où sont beaucoup pratiquées les mutilations (Dubourg, Richard, 2018, 31). Sur tout le territoire belge, les cinq premiers pays d’origine des femmes concernés par les MGF sont, dans l’ordre : la Guinée, la Somalie, l’Égypte, l’Éthiopie et la Côte d’Ivoire (Dubourg, Richard, 2018, 33).

L’augmentation de la prévalence des cas victimes de MGF nous alerte sur la nécessité de redoubler d’efforts pour affronter le problème des MGF en Belgique. Seule, la répression ne suffit pas car force est de constater que malgré l’interdiction inscrite dans le Code pénal belge, le travail de prévention et de sensibilisation doit absolument continuer.

Mobilisations sur le front des MGF en Belgique 

Mobilisations associatives

En Belgique, parmi les acteurs associatifs les plus actifs sur le front des MGF, on retrouve le GAMS et le SC-MGF. Le GAMS, Groupe d’action pour l’abolition des mutilations sexuelles, propose des actions de sensibilisation, de prévention, de plaidoyer, mais également d’accompagnement. Une de leurs approches consiste à inclure et intégrer les populations concernées. Ils disposent en effet d’animateurs communautaires formés à la thématique des MGF, à même d’incarner le rôle de médiateur entre certaines institutions et les familles concernées. Ils permettent par exemple de sensibiliser les parents lors de leurs consultations avec les agents de la petite enfance (Dubourg, Richard, 2018, 48).

Quant au SC-MGF, les Stratégies concertées de lutte contre les MGF, créé en 2008, rend, entre autres, possibles l’analyse et la concertation sur les actions mises en place contre les MGF au sein de la communauté française à travers un processus participatif et collectif (UE-FGM, 2017, 9). Parmi ces actions, la sensibilisation menée par les associations est plus que jamais nécessaire pour prévenir de nouveaux cas de MGF, compte tenu du fait que les prévalences ont augmenté ces dernières années en raison de migrations récentes.

Pour rendre cette sensibilisation efficace, il est nécessaire d’inclure et d’autonomiser les femmes, premières concernées, en permettant notamment de faire émerger un espace de débat leur permettant de remettre librement en question la pratique des MGF et les enjeux qui y sont associés (CODE, 4).

Qui plus est, s’agissant d’une pratique dont la base est une norme sociale, l’abandon des MGF se fera au travers d’un processus collectif. Pour ce faire la démarche doit être la plus inclusive possible et intégrer les femmes mais aussi les hommes, qui possèdent également un rôle à jouer dans l’abandon de cette pratique (CODE, 5). En effet, une étude et une campagne menées dans trois pays, dont la Belgique, ont permis de mettre l’accent sur l’importance d’inclure les hommes dans la réflexion et la lutte autour des MGF. Men speak out a de fait permis de donner la parole aux hommes des communautés concernées pour cerner leur compréhension et leur avis sur les mutilations. Cette campagne a mis en avant le caractère parfois passif des hommes face à la pratique, mais également leur rôle à jouer pour l’abandon des MGF au sein d’un système patriarcal. L’étude a également souligné la nécessité d’améliorer la communication entre les genres, les femmes surestimant parfois la propension des hommes à vouloir perpétuer cette pratique (O’Neill, Dubourg, Florquin, Bos, Zewolde, Richard, 2017).

Réponses législatives

Face à cet enjeu, la Belgique adopte en 2000 une loi visant à pénaliser la pratique des Mutilations génitales féminines (UE FGM, 2017, 10). Cette interdiction, entrée en vigueur en 2001, stipule clairement dans son premier alinéa que « Quiconque aura pratiqué, facilité ou favorisé toute forme de mutilation des organes génitaux d’une personne de sexe féminin, avec ou sans consentement de cette dernière, sera puni d’un emprisonnement de 3 ans à 5 ans. La tentative sera punie d’un emprisonnement de 8 jours à un an ». Pratiquer ou inciter la mutilation sur une mineure est une circonstance aggravante aux yeux de la justice belge (Dubourg, Richard, 2018, 12). En effet, en Belgique, les victimes de MGF sont traitées comme étant des enfants victimes de maltraitance (UE FGM, 2017, 5). Aussi, il est important de souligner que toute personne ayant facilité, incité ou pratiqué une MGF à l’étranger, pourra être poursuivie sur le territoire belge sur base du principe d’extraterritorialité (GAMS, 2020).

Mobilisations politiques

Le Plan d’action national de lutte contre toutes les violences basées sur le genre (PAN), créé en 2001, mutualise les efforts et les stratégies politiques des différents niveaux de pouvoir : l’État fédéral, les Régions et les Communautés, en suivant les lignes directrices de la convention d’Istanbul (IEFH, 2015, 11).

À partir de 2010, le Plan d’action national de lutte contre toutes les violences basées sur le genre intègre les mutilations génitales féminines 2(IEFH, 2015, 22). En ce qui concerne la prévention des violences, l’accent est mis sur la sensibilisation des publics spécifiques, notamment au travers de la journée internationale du 6 février contre les mutilations génitales mais aussi sur la diffusion d’outils comme le Kit des préventions des MGF (IEFH, 2015, 37). La mesure 61 du PAN est particulièrement intéressante puisqu’elle reprend l’idée d’inclure davantage les personnes concernées grâce à la création d’un pool d’animateurs communautaires (IEFH, 2015, 40). Outre la mise à disposition de médiateurs, le PAN souligne la nécessité de former les professionnels aux compétences interculturelles : certains délits ayant « une telle spécificité que seuls des professionnels spécifiquement formés peuvent écouter et aider les personnes qui en sont victimes » (IEFH, 2015, 41).

Quant à la protection et le soutien des victimes, dans le cas des MGF, la mesure 110 portée par la Région wallonne vise à améliorer l’information des publics cibles, en particulier des femmes primo-arrivantes et ce notamment au travers des parcours d’intégration rendus obligatoires depuis peu (IEFH, 2015, 57).

En termes de politique d’asile, en Belgique, les filles à risque de subir une mutilation génitale ont le droit de demander le statut de réfugié auprès des autorités d’asile (CGRA pour la Wallonie et CGVS pour la Flandre). Pour pouvoir invoquer la raison des MGF, elles doivent avant tout passer un examen médical qui actera que les filles ne sont pas excisées. Sachant que le risque n’est pas dissipé une fois le statut accordé, un certificat attestant que la petite fille n’a pas été sujette aux MGF doit être envoyé annuellement jusqu’à ce qu’elle obtienne la nationalité (Dubourg, Richard,2018, 39). Plus récemment, en 2017, la directive européenne de 2013 sur l’accueil, qui stipule que les mutilations génitales féminines font partie des critères de vulnérabilité pris en compte pour l’octroi du statut de réfugié, a été transposée dans le droit belge.

Néanmoins, si les jeunes filles intactes voient généralement leur demande acceptée2, soulignons que les filles et femmes déjà mutilées voient souvent leur requête échouer. Pourtant, comme le déplorent les associations, être déjà victime de MGF ne signifie pas ne plus avoir à revivre de nouvelles mutilations ni même d’être protégée des autres violences basées sur le genre (GAMS, INTACT, END FGM, 7, s.d.).

Quelles sont les bonnes pratiques identifiées pour les professionnels confrontés directement ou indirectement aux MGF en Belgique ?

Pour sensibiliser les professionnels susceptibles d’entrer en contact avec le public concerné par les MGF, un guide recensant les bonnes pratiques de chaque secteur a été développé en 2015 dans le cadre du réseau des Stratégies concertées de lutte contre les MGF (SC-MGF).

En plus du guide, un kit de prévention des MGF est également mis à disposition des professionnels. Ce kit inclut par exemple un outil permettant aux professionnels d’évaluer si la personne devant laquelle ils se trouvent fait face à un danger imminent. D’autres outils sont également disponibles tels qu’une déclaration sur l’honneur, à faire signer par les parents, qui stipule que l’enfant n’est pas excisé, par exemple en amont d’un départ dans le pays d’origine, ou encore une carte qui reprend les prévalences par pays (INTACT, GAMS, SC-MGF, 2015).

Corps médical

En 2012, le ministère belge de la Santé a lancé un plan de formation des équipes médicales occupant des postes charnières, à savoir dans les maternités et les travel clinics. Pour pouvoir accompagner le mieux possible les femmes enceintes qui ont subi une mutilation, des centaines de sages-femmes ont pu ainsi se former aux MGF, notamment dans le but d’endosser le rôle de médiateur entre les femmes et les équipes soignantes (Dubourg, Richard, 2018, 15). Deux années plus tard, l’accompagnement des femmes excisées s’est renforcé avec l’ouverture de deux centres de référence MGF, à Gand et à Bruxelles, qui proposent des services allant de la reconstruction chirurgicale aux soins psychologiques (IEFH, 2015).

Un code de signalement a également été créé en collaboration avec l’ordre des médecins. Celui-ci permet au corps médical de décider comment agir en fonction et sur base de facteurs de risque, par exemple en cas d’excisions des sœurs ou de la mère (INTACT, GAMS, SC-MGF, 2015).

La prévention a également été renforcée au sein des cliniques de voyage par lesquelles il faut généralement passer avant de séjourner dans un pays qui nécessiterait, par exemple, un vaccin spécifique. Dans ce contexte, le médecin a la possibilité de proposer aux familles de suivre un certain protocole qui inclut la signature d’une déclaration sur l’honneur attestant que les parents ne pratiqueront pas une MGF sur leur(s) fille(s) lors de leur séjour (INTACT, GAMS, SC-MGF, 2015).

Institutions spécialisées dans la petite enfance et la jeunesse

Les institutions de la petite enfance, c’est-à-dire pour les enfants de moins de cinq ans (ONE en Wallonie, et KG en Flandre), constituent un rempart important et participent à la prévention des MGF notamment au travers des dépistages de maladies génito-urinaires. On remarque également que la présence des parents aux consultations donne aux professionnels la possibilité d’établir des liens plus facilement et de commencer un travail de prévention (INTACT, GAMS, SC-MGF, 2015). Afin d’approfondir le contact, un projet pilote réalisé à Liège dans les agences ONE a permis de sensibiliser davantage les familles en incluant lors des consultations, des animatrices communautaires employées par le GAMS (INTACT, GAMS, SC-MGF, 2015). Par la suite, cette initiative a été élargie à d’autres villes (Namur et Bruxelles) en 2018 (voir site GAMS).

En plus de la petite enfance, les services d’aide à la jeunesse (SAJ) pour les mineurs à risque ont un rôle à jouer comme pour tout cas de maltraitance. Pour les jeunes filles de plus de 14 ans, les équipes du SAJ ont le choix de proposer un accompagnement aux familles à risque. Mais, dans l’éventualité où elles ne collaboreraient pas, les familles sont susceptibles de faire face à de mesures protectionnelles ou pénales émises par le procureur du Roi. Lorsque la participation volontaire des familles échoue, le Service de protection de la jeunesse (SPJ) prend généralement le relai pour appliquer les mesures qui ont été prises par le juge de la jeunesse pour protéger l’intégrité de la jeune fille (INTACT, GAMS, SC-MGF, 2015).

Quant aux centres de planning familial, certains ont décidé d’intégrer au sein de leur équipe deux référentes pour le projet MGF, comme à Liège où le FPS dispose d’une assistante sociale et d’une psychologique chargées spécialement des enjeux liés aux mutilations (INTACT, GAMS, SC-MGF, 2015).

L’accueil des migrants

Les centres d’accueil sont également des institutions clés pour sensibiliser, prévenir et prendre en charge les femmes ayant déjà subi une MGF. Leur rôle réside notamment dans l’identification des femmes excisées au sein de ces structures pour les orienter vers les centres médicaux qui leur sont dédiés à Bruxelles et à Gand. D’autre part, il s’agit également d’une première étape importante pour sensibiliser les communautés concernées mais aussi pour les prévenir de l’interdiction des mutilations en Belgique (INTACT, GAMS, SC-MGF, 2015).

Pour ce qui est des CRGA et le CGVS, les autorités d’asile ont la possibilité, lorsqu’ils évaluent le cas d’une fille ou d’une femme dont la demande d’asile est basée sur la vulnérabilité liée à son genre, de consulter l’index « Country of Origine Infirmation » COI relatif aux enjeux liés aux genres dans le pays d’origine de la candidate (GAMS, INTACT, END FGM, 7, s.d.). Les associations appellent par ailleurs à rendre cette consultation obligatoire avant la prise de décision.

Soulignons également que depuis 2018, le GAMS a permis la mise en place d’une trajectoire MGF dans tous les centres de demandeurs d’asile qui se concentre tant sur l’identification de ces femmes que sur leur accompagnement au travers d’une approche commune (GAMS, INTACT, 2018).

La justice et la police

Malgré l’interdiction en vigueur depuis 2001, très peu de plaintes ont été déposées sur les MGF. Sachant que beaucoup de tabous et de méconnaissances entourent encore les MGF, il est indispensable de former davantage les équipes policières qui seront amenées à enregistrer les plaintes en lien avec les mutilations génitales. Il serait également utile de les former à détecter des cas de MGF ou d’en évaluer les risques potentiels au travers d’outils tels que ceux mis à disposition par le GAMS (INTACT, GAMS, SC-MGF, 2015).

En ce qui concerne la justice, les parquets jeunesse et adulte ont des rôles clés. Le premier peut prendre des mesures protectionnelles en interdisant par exemple la sortie de la mineure du territoire belge, ou encore civile afin de protéger l’intégrité de la mineure. Le deuxième, le parquet adulte, peut condamner toute personne ayant participé directement ou indirectement aux MGF sur base de l’article 409 du Code pénal (INTACT, GAMS, SC-MGF, 2015). Il est à noter que selon les associations, le placement de l’enfant à durée déterminée peut être envisagé, mais en dernière option, n’étant pas selon elles la mesure la plus adaptée pour la protection de la mineure.

Conclusion

Selon les principaux acteurs spécialisés dans la cause des mutilations génitales féminines, l’inclusion des communautés concernée est primordiale. Pour accompagner ce cheminement collectif, inclusif, et les associations qui le soutiennent, les pouvoirs publics doivent redoubler d’efforts en termes de cohérence sur le territoire et de moyens financiers.

En outre, il est nécessaire que tous les champs d’action, que tous les secteurs, notamment celui de la recherche dans laquelle évolue l’IRFAM, se forment aux violences basées sur le genre, dont les mutilations, et les incluent davantage dans leurs missions. Si ce sujet reste tabou et qu’il semble difficile à aborder, principalement par manque d’information et de formation, c’est en sensibilisant tous les publics- du professionnel au citoyen – et en se focalisant sur ceux confrontés aux personnes issues d’un parcours migratoire que le travail collectif visant à abandonner cette pratique portera pleinement ses fruits.

Il est également nécessaire que les institutions politiques répondent aux attentes des acteurs concernés en particulier du GAMS en uniformisant au préalable l’action contre les MGF entre les différents niveaux de pouvoir et sur tout le territoire belge. Aussi, il est primordial d’assurer un financement stable sur le long terme pour atteindre les objectifs en termes de prévention des personnes ciblées ainsi que la mise en place d’un accompagnement ciblé, individuel et pérenne que doivent prendre en charge les différents professionnels impliqués. Pour permettre aux mobilisations actuelles de porter leurs fruits, les acteurs recommandent en outre de travailler à la déconstruction des stéréotypes entourant les MGF (ce qui passe par la formation des citoyens et des professionnels), d’améliorer le recensement des données notamment auprès des femmes nouvellement arrivées sur le territoire et demandant l’asile, mais aussi d’étendre le statut de protection internationale aux femmes ayant déjà subi une MGF et aux parents des filles considérées comme à risque. Les recommandations plus étayées sont consultables sur le site du GAMS, notamment dans leur plaidoyer datant de 2019. 


[1] Le Plan d’action se structure autour de plusieurs objectifs, parmi lesquels l’abandon des MGF. Chacun de ces objectifs recense plusieurs mesures qui s’articulent autour d’un type spécifique de violence, qu’il s’agisse des MGF, des mariages forcés ou des violences domestiques. Chacune de ces mesures est portée par une ou plusieurs parties prenantes — publiques ou privées.

Références

AMNESTY, « Les mutilations génitales féminines », site internet d’Amnesty, 2013.

CODE, « Prévention des mutilations génitales féminines : vers une solution durable », 2017, 8p.

Fédération des Centres de Planning Familial des FPS, « Les mutilations génitales féminines : des informations complètes et pratiques pour mieux la comprendre, l’appréhender et y faire face. », sd.

GAMS, « Pour une politique améliorée de prise en compte des mutilations génitales féminines en Belgique », mai 2019.

GAMS, « Que sont les MGF : lois belges et internationales », site internet de l’association GAMS, 2020.

GAMS, END FGM, « Compte-rendu de la conférence : Prévenir les MGF dans les communautés difficiles à atteindre », Avril 2019.

GAMS, INTACT, « Trajectoire mutilations génitales féminines », 2018.

GAMS, INTACT, END FGM, « Joint shadow report – Belgium», 13p.

Dubourg, D. et Richard, F., « Estimation de la prévalence des filles et femmes ayant subi ou à risque de subir une mutilation génitale féminine vivant en Belgique, 2018 », 2018.

IEFH, « Plan d’action nationale de lutte contre toutes les formes de violence basée sur le genre » | 2015-2019 », 2015, 108 p.

INTACT, GAMS, SC-MGF, « Guide de bonnes pratiques améliorant la prévention et la protection des femmes victimes ou à risque d’excision », 2015.

OMS , « At least 200 million girls and women alive today living in 31 countries have undergone FGM» , 2020.

OMS, « Déclaration interinstitutions : Éliminer les mutilations sexuelles féminines », 2008, 51p.

OMS, « Mutilations sexuelles féminines » , site de l’OMS, février 2020.

O’Neill S., Dubourg. D, Florquin S., Bos M., Zewolde S., Richard F, « Men have a role to play but they don’t play it”: A mixed methods study exploring men’s involvement in Female Genital Mutilation in Belgium, the Netherlands and the United Kingdom» , février 2017, 32 p,

UE —FGM, « Focus sur la Belgique », 2017, 17p.

Notes

  1. Le masculin est utilisé comme épicène, sauf mention inverse, les personnes désignées sont des hommes et des femmes.
  2. Le Plan d’action se structure autour de plusieurs objectifs, parmi lesquels l’abandon des MGF. Chacun de ces objectifs recense plusieurs mesures qui s’articulent autour d’un type spécifique de violence, qu’il s’agisse des MGF, des mariages forcés ou des violences domestiques. Chacune de ces mesures est portée par une ou plusieurs parties prenantes — publiques ou privées.

Leïla Scheurette