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Découvrir la ville de Luxembourg à travers le regard des femmes immigrées : un atelier pour s’approprier le français et l’espace luxembourgeois

Andrea Gerstnerová

L’atelier de découverte de la Ville de Luxembourg à travers le regard de femmes immigrées est un projet d’intégration réalisé par la Maison d’Afrique et le Centre de rencontres pour femmes Kopplabunz (un service de Femmes en Détresse ASBL).

La Maison d’Afrique est un organisme à but non lucratif agrée par le ministère de l’Éducation nationale luxembourgeois pour réaliser des cours de langues à destination des primo-arrivants. La Maison d’Afrique se veut aussi être un espace qui vise à promouvoir la diversité, la mixité, le brassage des cultures, le rapprochement, la compréhension et la tolérance entre les peuples. Le Centre de rencontre pour femmes Kopplabunz est un lieu d’accueil, exclusivement réservé aux femmes. Kopplabunz reçoit, dans une atmosphère chaleureuse et de confiance, des femmes qui manquent de soutien, de reconnaissance et d’appréciation positive de leur parcours de vie. L’offre du Kopplabunz relève de formations diverses pour favoriser une intégration citoyenne et consolider la connaissance de la langue française.

Le projet « Découvrir la ville de Luxembourg à travers le regard des femmes immigrées » a pris place entre septembre et décembre 2023 et a été soutenu par le Ministère de la Famille, de l’Intégration et à la Grande Région, ainsi que par la Fondation Sommer.

Au total 25 femmes immigrées ont participé à cette activité. Elles sont originaires de treize pays différents : Biélorussie, Kosovo, Maroc, Syrie, Iran, Éthiopie, Somalie, Cap-Vert, Pologne, Turquie, Ukraine, Érythrée et Tanzanie. Ces femmes sont présentes au Luxembourg depuis en moyenne trois années. Le niveau de maîtrise moyen du français au sein du groupe correspond au degré A1. Le niveau de formation parmi les participantes est variable, la plupart ont entamé des études secondaires inférieures dans le pays d’origine. Si très peu d’entre elles ont une expérience professionnelle en Europe, la plupart de ces femmes aspirent à trouver un emploi à Luxembourg, plusieurs reçoivent un revenu d’insertion sociale.

Les objectifs de l’atelier « Découverte de la Ville de Luxembourg » sont : (1) prendre connaissance des spécificités sociohistoriques des 24 quartiers de la ville de Luxembourg ; (2) promouvoir le désir et la capacité de découvrir et de parcourir ces espaces, y encourager le vivre-ensemble ; (3) aider à dépasser les retenues des participantes à s’approprier cette ville et ses ressources qui sont, désormais, aussi les leurs ; (4) apprendre à s’exprimer en français, mais aussi à travers l’image, le dessin, la gestuelle, etc. ; (5) montrer que les capacités artisanales que les participantes ont reçues en héritage peuvent être mises au profit de leur établissement au Luxembourg et susciter un développement interculturel ; (6) montrer que les techniques artistiques et créatives ou ludiques sont utiles pour l’insertion sociale et le développement personnel ; (7) apprendre à travailler en équipe.

L’initiative comprend de multiples activités allant de la découverte du patrimoine socioculturel des quartiers de la ville de Luxembourg au travers de balades urbaines, de l’usage du réseau de transports en commun, etc. à la participation à la réalisation d’un tableau sur toile, « Visions de Luxembourg par des femmes issues de l’immigration », en passant par l’évaluation de l’activité et sa présentation sous diverses formes aux services et organisations partenaires. La rédaction de ce document commenté par les participantes fait partie du dernier point.

Afin d’atteindre les objectifs précités, la méthode suivie par les animatrices de Kopplabunz est la suivante. Un tirage au sort a permis de constituer plusieurs groupes de participantes dont chacun fut désigné responsable de deux ou trois quartiers de Luxembourg-ville. Ces groupes ont effectué des recherches sur les quartiers dont ils avaient la charge avec l’aide des animatrices. Ces travaux ont pu se faire sur le Net, mais aussi à travers la documentation touristique disponible au Kopplabunz ou en se rendant sur place. Les synthèses des informations recueillies ont ensuite été livrées à l’ensemble des participantes. À l’issue de ces séances, plusieurs monuments, lieux ou bâtiments importants qui témoignent à la fois du passé et du présent des quartiers ont été sélectionnés par les participantes. Ces éléments du patrimoine luxembourgeois ont ensuite été représentés sous forme de collage, de patchwork de tissus ou de broderies sur une toile de grande taille sur laquelle la carte des quartiers était dessinée. Enfin, cette œuvre a été présentée à des structures partenaires lors d’une fête finale. Dans la suite du présent travail, nous résumons et illustrons les résultats des recherches sociohistoriques sur les quartiers de Luxembourg.

Exemples de fiches de présentation des quartiers de Luxembourg-ville

Bonnevoie-Nord: Au nord de la ville, abritant les restes du fort « perdu », Verlorenkost, le quartier Bonnevoie est un lieu hétéroclite. Le Verlorenkost y a marqué l’espace pendant des siècles avec ses les ouvrages de fortification. En 1807, le quartier a été ébranlé par une explosion de poudre qui a durement touché une large partie de la ville et endeuillé bien des habitants. Au 20e siècle, le développement du quartier Bonnevoie-Nord est dû à l’accroissement rapide de la population. Cela a conduit à la construction de nombreux logements de service et sociaux. En 1925, une nouvelle école primaire y a été construite. Le complexe « gendarmerie-police-armée » datant des années 1970 a été agrandi à partir de 2003 en cité policière qui contient un musée. Aujourd’hui, l’extension se poursuit avec de nombreux logements sociaux. Le foyer social Ulysse peut être considéré comme un désagrément, mais encadrant des personnes marginalisées par la consommation de stupéfiants, il rend en réalité un service important à l’ensemble de la population. Le quartier est apprécié pour sa proximité avec la gare et le centre-ville. Il devient de plus en plus couru par les jeunes couples et familles. Des randonnées y sont organisées et le stade Achille-Hammerel s’y trouve.

Clausen: Il s’agit d’une banlieue de la ville, peuplée depuis le Moyen Âge, située le plateau d’Altmünster surplombant la rivière Alzette qui fut un lieu de travail pour de nombreuses blanchisseuses. C’est là que fut située, dès le 11e siècle, l’abbaye bénédictine de Münster, transférée au Grund après 1543.Clausen fut marquée par l’empreinte du comte Mansfeld, gouverneur de la ville de 1545 à 1604. Les vestiges de son somptueux château et de ses jardins sont aujourd’hui protégés et intégrés dans un parc. À cela s’ajoutent des bâtiments de brasserie aujourd’hui désaffectés, dont certains déterminent encore l’image de ce quartier animé.Clausen est un quartier historique à proximité d’espaces verts publics. Beaucoup de cafés et de restaurants y ont élu domicile.

Hollerich: L’ancienne paroisse de Hollerich est déjà connue au 10e siècle. Depuis le Moyen Âge se trouvaient ici, outre des fermes, des carrières de pierres et fours à chaux qui livraient leurs produits dans la ville et la forteresse de Luxembourg toutes proches. Très tôt d’autres petites industries se sont installées également. Après le raccordement au réseau du chemin de fer du Grand-Duché et l’ouverture de la première gare en 1859, l’industrie et le commerce du quartier ont prospéré.La population a doublé en très peu de temps et Hollerich était à la fin du 19e siècle une des communes les plus dynamiques du pays.Si, en1920 l’ancienne commune de Hollerich est intégrée à la Ville de Luxembourg, le quartier actuel est très animé et offre une multitude de services de proximité : commerces, restaurants, fitness centres, bars et espaces culturels : théâtre, salle de concert… La localité a bien d’autres atouts : le site du « Schluechthaus » dispose d’une superficie d’environ 2,5 ha, espaces verts compris. Cet ancien abattoir, dont l’activité a cessé en 1997, a accueilli pendant quelques années le service Sports de la Ville, un skatepark, ainsi que plusieurs halls de stockage.Le Musée des tramways et des bus, inauguré en 1991, s’y trouve également, ainsi que le siège des assurances sociales du pays ou le parc Merl.

Travaux réalisés à partir des fiches

Au départ d’une recherche sur le net et dans les bureaux de tourisme, ainsi qu’aux musées de la ville, complétée, durant l’été 2023 de ballades (6) ou des pique-niques dans toutes les parties de Luxembourg, s’est posé la question, durant le second semestre de l’année, de la réalisation d’une fresque murale. Le premier ouvrage collectif réalisé fut une toile en tissu représentant la carte muette des quartiers de la ville de Luxembourg (120 x 100 cm). Ensuite, des broderies ont été créées par les participantes afin d’orner la toile. Ces décorations sont les reproductions en fil des vestiges remarquables des quartiers examinés. Des photos historiques collectionnées durant la partie documentaire du travail ont servi de modèle. La fresque achevée a été exposée, le 14 décembre 2023 dans les locaux de Kopplabunz, aux personnels et usagers des institutions partenaires et expliquée par certaines participantes sous l’accompagnent des animatrices du projet.

Apports du projet en guise de conclusion

Afin d’évaluer les impacts du projet, les participantes ont rempli un bref questionnaire et ont participé à une réunion d’analyse. Ainsi le projet « Découverte de la Ville de Luxembourg » a permis à toutes les participantes d’apprendre les spécificités sociohistoriques des quartiers de la ville de Luxembourg. Les participantes apprécient particulièrement les quartiers historiques du centre-ville : Ville Haute et Grund, ainsi que le nouveau quartier européen du Kirchberg. Il a aussi donné les clés aux participantes pour découvrir ces quartiers à des fins diverses (détente en famille, recherche d’un logement, d’une information…). Les participantes sont plus autonomes dans la recherche de lieux de formation et d’emploi. Il a pu aider certaines femmes immigrées à dépasser leurs peurs et de s’approprier la ville et ses ressources. Elles s’y rendent en dehors des cours avec leur famille (par exemple, au parc Ban de Gasperich, le plus grand parc de la capitale). Un bon remarquable a pu être constaté en français. La plupart d’entre elles savent communiquer avec succès dans les situations quotidiennes. Montrer leurs capacités artisanales a permis aux participantes d’apporter du leur dans la formation et la création. L’ambiance de travail positive a pu montrer à chacune l’utilité des échanges interculturels et du travail en équipe. Les participantes s’approprient les différents éléments de la culture du pays d’accueil, s’ouvrent aux autres et découvrent par la même occasion leur potentiel et leurs ressources.

À l’issue du projet, toutes les participantes demandent à continuer ce genre d’initiatives qui leur apprennent beaucoup sur la ville de Luxembourg et ses institutions, sur les autres participantes et partenaires. Les participants profitent d’échanges et de moments conviviaux entre amis au Kopplabunz. Elles ont ressenti leurs progrès en français (71 %). Plusieurs souhaitent à présent essayer des formations professionnelles ou projettent d’accéder au marché de l’emploi (formation aux nouvelles technologies, apprentissage de coiffeuse/serveuse).

Ville Haute — Gëlle Fra

Merl – Campus Geesseknäppchen

Andrea Gerstnerova