Paradoxes de la parentalité en centre d’hébergement pour demandeurs de protection internationale
Lucie Antoniol
© Une analyse de l’IRFAM, Liège, 2025.
Pour citer cette analyse
Lucie Antoniol, « Paradoxes de la parentalité en centre d’hébergement pour demandeurs de protection internationale », Analyses de l’IRFAM, n°3, 2025.
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Faisant suite à la participation d’un membre de l’IRFAM à la journée d’étude « Parentalité et vie en collectivité : regards croisés sur les défis à relever ensemble », organisée par l’association Culture et Santé, à Namur, en décembre 2024, l’objectif de cette analyse est d’offrir un compte rendu de l’expérience et de l’exercice de la parentalité dans un contexte de vie en collectivité. Après avoir recueilli les témoignages des experts du terrain (travailleurs sociaux et résidents) présents et après avoir écouté l’expression de leurs souhaits, il nous semble utile de faire le point sur le sujet. Au reflet de ces rencontres, s’ajoute ici le point de vue critique de l’IRFAM.
Vivre en famille dans une seule pièce
« Dans les centres d’accueil, les réfugiés et demandeurs de protection internationale reçoivent
l’aide matérielle à laquelle ils ont légalement droit.
En première instance, cette aide matérielle consiste en un lit, des repas, des installations sanitaires et des vêtements.
Les familles dorment généralement dans une chambre séparée,
alors que les personnes isolées partagent un dortoir commun » (Fedasil 2022).
Ce qui peut paraître convivial pendant deux semaines de vacances devient un sujet d’énervement quand la situation dure des mois, voire des années. Peu d’intimité conjugale, pas d’intimité physique personnelle pour les enfants, les adolescents et adolescentes, en la présence des parents. Si la chambre familiale fait office de refuge face aux bruits et à l’agitation du centre d’hébergement, elle devient aussi une cage étouffante de promiscuité.
De quoi peut-on parler librement devant les enfants ? Comment recevoir décemment de la visite sans espace approprié ? Les difficultés à créer un « chez soi » où l’on puisse accueillir quelqu’un selon les règles de l’hospitalité ne vont pas sans rappeler la période de confinement due à la covid-19. Mais dans ce cas, le confinement dure toute l’année. Si les petits enfants hésitent moins à inviter des copains d’école à venir jouer dans le centre, le plus souvent les adolescentes ont honte de leur logement exigu et n’osent pas y inviter leurs amies. Aussi, comment établir une relation de confiance avec des travailleurs sociaux en visite dans la chambre familiale ? Comment ne pas percevoir cette visite comme une intrusion ou une inspection ? Comment exercer, en toute discrétion, ses compétences de parents dans de telles circonstances ?
Manger, cuisiner, transmettre
« Mon petit dernier est […] constamment malade et a été hospitalisé deux fois. Ils lui ont fait une prise de sang et le médecin a dit :
“il doit manger liquide, des soupes.” Mais qu’est-ce que je peux faire ici sans cuisine ? »
(Mère originaire de Tchétchénie, quatre enfants, dans Fournier et coll., 2023, 37)
Le fait de vivre en collectivité dépossède les personnes exilées d’un bon nombre de leurs choix parentaux. L’heure des repas et les menus sont décidés par le règlement du centre. Or, les enfants notoirement sont des mangeurs difficiles quand on leur présente des plats auxquels ils ne sont pas habitués. L’école, de plus, demande aux parents de prévoir un « repas tartines » pour midi, alors que : « La maman considère cela comme très nocif pour leur santé. Elle se sent comme une “mauvaise mère” quand elle leur prépare ce repas (que les enfants refusent de manger) » (Mère ukrainienne, dans Khaskelberg, 2023, 224).
Préparer pour sa famille la cuisine de son pays, les recettes apprises de ses parents ou de ses grands-parents, c’est aussi une manière de transmettre sa culture et son affection, de prendre soin de ses proches. L’humain communique aussi par le partage de la nourriture. Que reste-t-il de ce partage dans une cantine de collectivité où on se sent observé et jugé par les autres résidents, toutes cultures mélangées ?
Sanitaires collectifs et les usages de l’intimité
Il est rare que les chambres familiales aient leur propre toilette et sanitaire. Pour se laver et faire ses besoins, il faut aller au bout d’un couloir. Si vous êtes parent solo, avec trois enfants en bas âge, et que vous n’avez pas confiance dans vos voisins, devez-vous amener vos trois petits avec vous, chaque fois que vous allez aux toilettes ou quand vous voulez prendre une douche ? Dans un contexte d’exil, il est difficile de se sentir en sécurité et de faire confiance à des inconnus, quand cette confiance a déjà été mise à mal pendant le parcours migratoire. Comment, en conséquence, crée-t-on un lien sécure avec son enfant, quand on vit en état d’insécurité permanent ?
Souvent les mamans trouvent que les couloirs des centres ne sont pas des lieux propices, du point de vue de l’hygiène, à la socialisation et l’exploration de l’espace des tout petits. Les bébés restent dans la chambre ou sont portés dans les bras des adultes la plupart du temps. Ces habitudes peuvent entraîner un retard de développement psychomoteur du bébé.
Un papa solo ne peut accompagner sa fille dans les douches des femmes. Donc, il se voit obligé d’emmener sa fille dans les douches des hommes. L’exil entraîne parfois des changements dans les rôles de genre et les habitudes parentales : « À la maison, ma femme emmenait les enfants à l’école et tout. Mais maintenant, je suis responsable de tout, vous comprenez ? C’est difficile. Surtout ma fille, l’amener à prendre une douche, c’est dur. Attacher ses cheveux, je ne sais pas. C’est dur, mais j’y arrive, tu sais ? J’essaie, un peu à la fois » (Père célibataire palestinien, deux enfants, dans Fournier et coll., 2023, 45).
Peu d’attention a été accordée à l’évolution des rôles familiaux et en particulier du rôle des pères célibataires, dans la littérature scientifique sur les réfugiés. Comment faire face aux multiples injonctions contradictoires que le parent exilé reçoit de tous côtés ? « Intègre-toi », « Apprends la langue de cette région », « Fais une formation professionnelle », « Trouve un travail », mais aussi « Prends soin de tes enfants », « Apprends à connaître le système scolaire belge », « Oriente-toi dans le système des soins de santé belge » ? Est-ce possible quand l’on est défini négativement comme « demandeur d’asile » ou « sans-papier » ? L’exil, avec sa perte de repères, entraîne souvent une perte de confiance et de croyance en soi.
L’attente d’une décision, lors d’une procédure qui s’éternise, engendre un manque de disponibilité émotionnelle des parents vis-à-vis de leurs enfants. Tant de choses à apprendre et à régler en même temps mettent les parents solos, en particulier, en « mode survie », en état d’urgence permanente.
Rôles parentaux : plus ou moins de responsabilités parentales ?
L’une des raisons principales de la décision de partir de son pays, c’est de pouvoir offrir un avenir meilleur à ses enfants. Au cœur de la motivation d’un parent exilé se trouve le bien-être de ses enfants. Quitter le pays, la famille élargie, le large réseau de soutien de sa parentalité signifie que la personne adopte le modèle occidental de la famille nucléaire et se retrouve seule à gérer toutes les décisions relatives aux enfants. Sans le secours des tantes, des oncles et des grands-parents.
Les travailleurs sociaux des centres d’hébergement sont parfois perçus comme un substitut de la famille élargie, mais ils doivent adopter une attitude de « saine distance professionnelle » qui nécessite de limiter leur investissement émotionnel et affectif vis-à-vis des enfants. Ils ne peuvent pas répondre à cette attente des parents. Les travailleurs sociaux ont aussi leur propre conception de la parentalité et s’attendent à ce que les parents s’impliquent davantage dans le suivi scolaire ou médical des enfants. Mais les parents en exil se sentent souvent impuissants ou incapables d’en faire plus, pour de nombreuses raisons.
Styles de parentalité traditionnels et violences éducatives ordinaires
Les styles de parentalité ne cessent de changer en Belgique comme ailleurs. Là ou une « bonne fessée » était encore de mise hier, ses vertus éducatives ou pédagogiques sont nettement remises en question aujourd’hui. Qu’est-ce qui compte comme violence éducative ordinaire, ou comme négligence abusive ? « Ne pas obliger son enfant à aller à l’école ? Laisser son enfant sans surveillance dehors ? Lui lancer une pantoufle ? L’obliger à faire de longs devoirs après l’école ? Le surprotéger, ne pas accepter qu’il s’éloigne trop ? Répondre à tous ses caprices ? Lui donner une fessée ? Ne pas l’habiller assez chaudement en hiver ? Ne pas le laisser jouer avec des enfants d’autres cultures ? Ne pas accepter son orientation sexuelle ? Donner des coups de ceinture ? » (Branders-Ify, 2022, 52).
Avant de juger les comportements d’autrui, il est bon de se questionner sur nos opinions et nos points de vue, afin de mieux nous décentrer de notre culture, d’une part, et avant d’opérer un « contre-transfert culturel » (Devereux, 1994) sur celle des autres, d’autre part.
La décentration est cette aptitude à s’extraire momentanément de l’ensemble de croyances, de pratiques et de savoirs qui forment notre culture, afin de l’appréhender comme une culture parmi tant d’autres et de se donner les moyens de mieux comprendre une autre manière de vivre (Nathan, 2013).
Le contre-transfert culturel est une réaction émotionnelle et cognitive qui se passe lors d’une rencontre entre des personnes de culture différente, lorsqu’elles sont influencées par ce qu’elles connaissent de l’histoire, de la politique, des coutumes, mais aussi des stéréotypes, des préjugés et de tout ce qui peut inspirer positivement ou négativement notre comportement à l’égard des personnes d’une autre culture. Quand des mamans occidentales portent leur enfant au dos, « à l’africaine », cela donne lieu à des interactions interpersonnelles et interculturelles stimulantes (Barbier-Le Déroff, 2004). Ces pratiques influencent la construction du rapport à l’autre et le développement de la rencontre entre « grands et petits ». Or, tous les dispositifs de portage des bébés, sur le ventre et sur le dos, que nous pouvons trouver dans le commerce, ne sont pas d’égale qualité et ne se valent pas du point de vue développemental. Les valeurs que nous avons tous en commun sont celles de l’attention et des soins aux enfants. Mais nous avons différentes manières de les mettre en œuvre. Pourtant, ces styles parentaux sont tous, toujours, en évolution et en transformation, et certaines pratiques traditionnelles finissent par ne plus être acceptées.
Impact des procédures : une temporalité suspendue et un présent permanent
La lenteur des procédures de demande de protection internationale du Commissariat Général aux Réfugiés et aux Apatrides se combine avec les soucis multiples d’adaptation aux nouvelles réalités de vie d’une personne exilée pour créer les conditions parfaites d’éclosion de troubles mentaux (Manço, 2022).
On peut en effet caractériser les souffrances psychiques en rapport avec l’expérience vécue de la temporalité. Une personne déprimée ressasse et revit son passé. Une personne anxieuse se tracasse exagérément pour son avenir. Une personne qui souffre de troubles de stress post-traumatique (Psycom, 2024) est hantée par les maltraitances ou autres traumatismes subis dans le passé et parfois réactivés par des événements contemporains. Source de troubles sont aussi les différences de rythme de vie entre une personne et son environnement. La vie en collectivité impose à tous le même rythme de vie (lever, toilette, repas, loisirs). Soit tout va trop vite et la personne peine à assimiler toutes les nouveautés et les contraintes soit rien ne semble se passer et elle se sent suspendue dans les limbes.
De plus, le flux d’informations catastrophiques 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 servi par les médias et les réseaux sociaux contribue à nous coincer dans un présent permanent. Dès lors, il n’est plus possible de se (re)construire dans une pluralité de temporalités.
L’histoire personnelle est normalement faite de couches et de résurgences : récits de vie, liens avec nos ancêtres, identité intergénérationnelle, qui nous permettent de réinterpréter et de réactualiser les faits du passé, ce qui nous propulse vers des projets de vie, dynamise nos ambitions pour l’avenir, etc. La personne en attente d’une décision du CGRA vit dans un temps suspendu qui ne s’inscrit dans aucune temporalité significative. La cerise sur le gâteau vient quand un demandeur de protection internationale voit sa demande déboutée, à la différence de celle de ses enfants, et se voit proposé par le CGRA de continuer à exercer sa parentalité par GSM et vidéoconférence.
Le sentiment d’injustice et d’impuissance face aux décisions du CGRA est aussi une cause d’indisponibilité émotionnelle des parents vis-à-vis de leurs enfants. Qu’est-ce qu’on doit leur dire et leur taire par rapport aux raisons de cet exil et aux difficultés de la procédure de demande d’asile ? Comment explique-t-on dans des mots accessibles aux enfants les arcanes administratives et juridiques belges ou européennes ?
Changements dans les rôles parentaux et les rôles de genre dus aux nécessités de l’exil
Malgré cela, la plupart des demandeurs d’asile sont des personnes résilientes. Ne tombons pas dans la croyance qui consisterait à pathologiser l’exil. « Environ 70 % des personnes dans le monde vivent un événement potentiellement traumatisant au cours de leur existence, seule une minorité (6 %) développe un trouble de stress post-traumatique ». (OMS 2024) Autrement dit, 94 % des personnes qui ont vécu des guerres, des tortures ou d’autres maltraitances ne développent pas pour autant de troubles psychologiques.
Il nous faut reconnaître, soutenir et valoriser les comportements et les attitudes résilientes, quand nous les rencontrons. Par exemple, dans une étude de cas, décrite en formation, une famille irakienne qui semble bien adaptée à la Belgique et dont les parents ont atteint un bon niveau de français pose problème aux animateurs d’une table de conversation en français langue étrangère. Le père refuse de quitter le groupe de conversation où il fait figure de bout en train. Il dit ne pas se sentir prêt à aller en formation professionnelle et surtout ne pas se sentir l’énergie d’assurer un travail à plein temps. Cela semble en contradiction avec nos « valeurs travail » européennes et notre vision du trajet d’intégration modèle (cours de langue, formation, emploi ou création d’entreprise). Mais si l’on y réfléchit, ce père irakien pourrait être considéré comme l’aidant proche de son épouse qui souffre de stress post-traumatique, après les tortures subies dans le pays d’origine. Et sa priorité est de prendre soin de ses enfants. Anciennement agriculteur, illettré, s’il devait se former pour ensuite tenir un emploi d’ouvrier à temps plein, qui s’occuperait de sa famille ? « Que deviendra ma femme, sans mon soutien ? Que va-t-il arriver à mes enfants ? » Voilà ce qui le tient éveillé la nuit, quand il envisage son avenir.
Nous devons avoir présent à l’esprit nos propres points aveugles. Nous avons l’habitude de sous-estimer l’importance du travail non visible, souvent culturellement invisibilisé, du care dans la famille nucléaire. À côté de ce travail de soin, la table de conversation en français est peut-être son seul moment de répit, son lieu de résilience, là où il se sent bien et recharge ses batteries. Et on voudrait qu’il cède sa place ? Appliquer les règles avec trop de rigueur serait faire preuve de violence institutionnelle.
Parentalité solo et exil : une tare ?
On pourrait tenter de considérer un centre d’hébergement de demandeurs d’asile comme un « village international ». Est-ce une bonne idée ? Entre les différents groupes, venus d’origines culturelles et religieuses différentes, tout ne se passe pas toujours comme on le souhaiterait. En ce qui concerne la parentalité, les mères solos, en particulier, se sentent regardées et jugées. Être mère célibataire est encore souvent considéré comme une tare, quelles que soient les raisons pour lesquelles le père ne fait plus partie de l’équation. Faire village, c’est aussi réintroduire les éléments de contrôle social et de rumeurs, des ragots colportés de bouche à oreille.
Éloignée de la famille étendue et du soutien des tantes et grands-mères qui « coéduquent » les enfants dans les villages traditionnels, une maman solo aura du mal à maintenir son estime de soi et à faire face aux fantasmes divers et variés des autres résidents à son sujet. Elle peut aussi se considérer elle-même comme moins « valable » qu’une épouse, selon les diktats de sa mentalité d’origine.
Enfants dans le rôle parental
La vie en collectivité dans le pays d’accueil favorise la parentification des enfants. On parle de parentification quand il y a inversion des rôles et qu’un enfant est amené à prendre des responsabilités parentales : « Nous constatons que les parents qui étaient très actifs s’éteignent peu à peu, car la pression psychologique est telle qu’ils perdent leur motivation et leur énergie, et perdent beaucoup de leur envie de participer à la vie. Pour compenser ce phénomène, les enfants ont parfois tendance à prendre le rôle des parents, car ils parlent la langue, sont socialisés, […] et ils voient leurs parents en difficulté .» (Intervenant social, dans Fournier et coll., 2023, 46)
De fait, les enfants sont généralement plus rapides que leurs parents dans l’apprentissage des langues, ce qui fait qu’ils sont souvent utilisés comme interprètes ad hoc, dans l’urgence, par les travailleurs des centres. L’usage d’interprètes professionnels, que ce soit par téléphone ou en personne, est recommandé, même quand les parents « se débrouillent un peu » en français. La langue maternelle est la langue des émotions et les informations seront plus digérables si elles transitent par les passeurs de culture que sont les interprètes professionnels. Mais ce service n’est pas toujours disponible pour diverses raisons.
Quelle soit dans les mains d’un mineur étranger non accompagné ou d’un parent demandeur d’asile, une brochure écrite, même joliment illustrée par des enfants, n’est pas non plus le média adéquat pour informer les migrants sur les arcanes des systèmes scolaires belges, avec ses écoles libres et ses réseaux communaux, provinciaux et d’Etat, sans parler des deux ou trois communautés linguistiques.
Conclusion
Les centres d’hébergement ne sont pas un logement propice au bon développement et à l’exercice de la parentalité. Dans un premier temps, il convient d’y soutenir la parentalité au maximum, mais sans la compromettre en devenant trop intrusifs et directifs.
Les travailleurs sociaux sont capables de se décentrer par rapport à leurs propres représentations de ce qu’est un « bon parentage » et de rester ouverts et respectueux des pratiques culturelles différentes. En même temps, ils restent attentifs à tout dérapage possible (violences et abus) dans l’exercice de la parentalité, qu’il soit induit par l’environnement (vie en collectivité) ou par une problématique psychosociale (Manço, 2022). C’est un exercice périlleux d’équilibrage de différentes considérations parfois contradictoires, les unes par rapport aux autres.
Dans un deuxième temps, l’offre de logement en Initiatives Locales d’Accueil est à développer pour les familles en attente d’une décision concernant leur demande de protection internationale. La relation de confiance mutuelle nécessaire au suivi psychosocial peut s’y établir plus facilement et sur un pied d’égalité, autant que possible.
L’important pour comprendre la problématique de la parentalité en exil est de garder à l’esprit que toutes les cultures sont en mouvement perpétuel. La nôtre, aussi bien que celles des étrangers avec lesquels nos professionnels interagissent. Travailler dans l’interculturalité, c’est ouvrir un terrain d’échange où peuvent avoir lieu des transformations mutuelles (Brackelaire, 2023).
La dimension de réciprocité des changements culturels souhaitables ne saurait être assez soulignée. Les métiers de l’accueil sont au cœur des liens à tisser pour recréer une socialité humaine, dans un contexte d’exil et de traumas où précisément la singularité et l’altérité des personnes ont été volontairement occultées ou détruites.
Prendre le temps de « faire histoire ensemble » nécessite de développer nos talents dans l’art du social : talent d’appréhension de l’altérité et talent dans la gestion des conflits qui fondent, obligent et relancent la socialité humaine. Toujours en tension, l’altérité et le lien, contribuent tous deux à l’ouverture d’un espace où peut avoir lieu une expérience commune qui permet à chacun de créer et recréer sa propre histoire.
Bibliographie
Barbier-Le Déroff M.-A. (2004), « Quand des mamans occidentales portent leur enfant au dos “à l’africaine” : des interactions singulières et stimulantes », L’Autre, Clinique, cultures et sociétés, v. 5, n° 2, p. 243-254.
Brackelaire J.-L. (2023), « Faire histoire ensemble », Union des Villes et des Communes de Belgique, De l’exil à l’avenir, Namur, p. 260-269.
Branders-Ify A. (2022), Quel monde pour moi ? Plaidoyer pour une meilleure protection des enfants en situation de migration contre toute forme de violence en Belgique, Molenbeek : Défense des Enfants International Belgique francophone.
Devereux G. (1994), De l’angoisse à la méthode dans les sciences du comportement, Paris : Flammarion.
Fournier K., Van Acker K., Geldof D. et Heyerick A. (2023), Être un enfant dans un centre d’accueil, Louvain : Acco.
Khaskelberg M. (2023), « Favoriser le développement de compétences transculturelles chez les travailleurs sociaux », UVCW, De l’exil à l’avenir, Namur, p. 224-237.Nathan T. (2013), La folie des autres. Traité d’ethnopsychiatrie clinique, Paris : Dunod.